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Chapitre II: L’appel du prisonnier – Aion est juste
Je ne pus retenir mon étonnement face au culot dont faisait preuve cette vieille femme : mon futur, rien que ça ? Dire qu’à peine une heure plus tôt, j’étais à la recherche d’une enfant et voilà que je me trouvais en compagnie d’une voyante qui n'avait plus toute sa tête. Ah ! Je savais que je n’aurais pas dû quitter mon lit ce matin-là…
Néanmoins, je pris le temps de lui demander ce qu’elle entendait par « un voyage dans le futur ». Mais la vieille femme ne prit pas le temps de me répondre malgré mes nombreuses interpellations ; sans doute trop occupée à marmonner d’incompréhensibles et sombres incantations… Je crus d’ailleurs qu’elle tentait de me maudire, c’est pourquoi, après un dernier avertissement, j’ordonnais à Kyû, qui jusque-là se contentait de grogner, d’attaquer la sorcière. Celui-ci ne se fit pas prier et bondit sur la grand-mère qui, surprise par le familier, fit un pas en arrière. Mais, lorsque la pression autour de mon poignet se détendit, je vis arriver un autre problème. J’avais profité de l’action de Varsovie pour reculer à mon tour mais, arrivée au troisième pas, je sentis le sol se dérober sous mes pieds et, c’est par réflexe que j'ai jeté un œil par-dessus mon épaule afin de voir ce qu’il se passait. Tous mes sens furent mis à l’épreuve lorsque je vis derrière moi cet énorme précipice vers lequel mon corps était comme attiré. Je compris à sa taille qu’il était inutile de tenter quoi que ce soit pour éviter la chute, je n’avais plus qu’à espérer une chose, qu’il ait un fond. C’est encore par réflexe que mes yeux se fermèrent et qu’une grimace se forma sur mon visage. Partiellement aveuglée, je ne comptais pas ouvrir les yeux avant d’être certaine que j’étais en lieu sûr mais, au bout de quelques minutes de chute si ce n'est des siècles, j’entendis comme une sorte d’explosion. Ce fracas me fit instantanément ouvrir les yeux. Mais, même en observant longuement ce qui m’entourait, je ne reconnus aucun élément semblable à ce qui se trouvait dans la chaumière de la sorcière….
Pour une raison m’étant inconnu, il me semblait avoir atterri sur une île flottante ; constituée d’une roche s’effritant dangereusement sur les bords. Bien sûr par ‘flottante’, j’entends qu’elle lévitait littéralement et, je fus même en mesure d’affirmer qu’elle n’était pas la seule : dispersés un peu partout, quelques îlots semblable à celui sur lequel je me tenais, volaient de leur côté. Étrangement, tous se situaient sur un même axe, encerclant par leur nombre une étrange plate-forme, beaucoup plus grosse que les autres et où je remarquai un énorme volcan. De celui-ci émanait une fumée rougeâtre ainsi qu’une brume grise qui enveloppait tout l’espace où nous nous trouvions. En effet, je ne pouvais pas considérer un tel lieu comme la terre où je vivais. On pouvait voir s’étendre à perte de vue cet immense ciel rouge sang et cette fumée aussi nauséabonde que suspecte. Finalement, et alors que la panique commençait à monter, je décidai de poursuivre ma recherche en jetant un coup d’œil au paysage qui se trouvait sous les plate-formes. Cependant, ce que je remarquai parvînt uniquement à renforcer le sentiment d’angoisse qui empêchait mon corps de bouger: qu’importe où mon regard se posait, je ne pouvais discerner la moindre terre familière ; simplement un vide infini…
Je fus alors ébranlée par l’une de mes pensées : dans ce lieu coupé du monde, étais-je réellement seule ?
Mais alors que cette question semblait tourner en boucle dans mon esprit, je remarquai un deuxième changement des plus étranges. Ce jour-là, j’avais comme à mon habitude enfilé ma « tenue de travail » qui se composait simplement d’une robe marron à laquelle j’avais au fil des années rajouté des emplacements destinés aux armes ainsi qu’une ceinture. De longues bottes de la même couleur, une écharpe en mousseline que je savais un peu trop longue et un gant offert par un étranger : une tenue des plus banales en soit et pourtant, en y faisant attention, je remarquai une anomalie.
Que ce soit cette écharpe que j’affectionnais tant ou cette robe que j’avais dû prendre au hasard le matin même ; ils avaient disparus, laissant place à des vêtements dont j’estimais avec peine la valeur, tant les matières semblaient précieuses. Je remarquai une ressemblance avec les tenues que portaient généralement les héros de livres qu’on donnait aux enfants pour leur expliquer l’histoire de notre peuple.
Sur le coup, je ne pus m’empêcher de spéculer sur ma situation mais revenais toujours à la même conclusion : il devait s’agir d’une plaisanterie, un mauvais tour que m’avait joué Varsovie.
Remarquant finalement l’absence de Kyû à mes côtés, probablement depuis mon arrivée là-bas, je m’apprêtais à l’invoquer lorsque je fus interrompu par une voix venant de l’autre côté de l’île.
« Dame Saki, nous vous attendions ! S’exclama la personne, une pointe de gaieté dans la voix.
Mes yeux s’écarquillèrent. Il y avait donc quelqu’un d’autre ici ? Je ne savais pas de qui il s’agissait et je n’avais aucune idée de ce qu’elle me voulait mais, au son de sa voix, je la devinais inoffensive. C’est donc un peu moins craintive que je me retournai pour faire face à mon interlocuteur ou plutôt, à mes interlocuteurs : ils étaient sept. Deux se tenaient sur la partie droite de l’îlot tandis que trois autres s’agitaient sur la partie gauche, et pour finir, ne semblant pas m’avoir remarqué, un homme se trouvait au bout du chemin que semblait m’avoir tracé ses compagnons. Celle qui m’avait adressé la parole plus tôt était une femme vêtue de la tenue traditionnelle des sorciers. Non pas comme celle que portait Varsovie mais, l’une que seraient sensés portés les sorciers protégeant Asmodée depuis la destruction de la Tour de l’Eternité : les Daeva…
Je fus de nouveau sorti de mes pensées mais par un homme cette fois-ci. Il portait une sorte de kimono et je pouvais clairement voir que son torse était recouvert de bandages plus ou moins ensanglantés, signes qu’il faisait probablement parti d’un groupe de guerriers ou je ne sais quel autre manieur de sabre. Enfin, c’est d’une voix étonnamment amicale que l’homme s’adressa à moi :
-Qu’Aion veille sur toi, Saki.
- L’équipe est enfin au complet! Battre ces traîtres de Séraphins devrait être une partie de plaisir. Qui en auras le plus : j’ouvre les paris ! Qu’en dis-tu ? S’enthousiasmait de son côté une blonde, à peine plus âgée que moi et vêtue comme une illusionniste, tout en questionnant la petite fille brune qui se tenait à ses côtés, un sourire confiant au visage.
Aussi, je remarquais de justesse un garçon à leurs côtés. Il ne semblait pas partagé la joie de ses camarades et ne prononça pas la moindre parole à mon passage ; bien qu’il me semblait apercevoir un sourire furtif se former sur son visage lorsqu’il croisa mon regard.
Les cinq personnages m’incitèrent à m’avancer et à rejoindre l’homme qui observait toujours le volcan, sans prêter attention aux acclamations que poussaient les autres. J’arrivai finalement au niveau du sixième ‘soldat’. C’était l’un des rares à n’avoir prononcé aucun mot depuis mon arrivée. Je n’y fis attention que lorsque je suis passée à côté de lui mais, son regard me suivait depuis le début, tant et si bien que je me mis à accélérer inconsciemment afin de le dépasser au plus vite.
Une fois arrivée au bout de la plate-forme, je me figeai à la droite de l’homme qui apparemment m’attendait. A peine m’étais-je arrêter qu’il m’adressa la parole.
« Te voilà, dit-il alors que je m’étonnais de notre différence de taille, as-tu trouvé ce que tu cherchais ? »
Je compris à l’intonation qu’il avait prise qu’aucune réponse de ma part n’était attendue et j’en fus en quelque sorte rassurée. Toujours concentré sur l’horizon, l’homme repris brusquement.
« Les autres ne pourront pas tenir éternellement et la situation risque d’empirer si on n’agit pas maintenant…On va devoir s’occuper de Nezakan avant qu’il ne perce nos défenses. »
Nezakan, un nom bien connu chez les Asmodiens. Non pas parce que la personne le portant était particulièrement apprécié, mais plutôt parce qu’il s’agissait de l’ennemi commun de toute personne se considérant comme un habitant d'Asmodée…L’un des plus puissants Seigneur d’Elyséa, Nezakan…
L’évocation de ce nom m’interpella mais, tout cela ne me concernait pas après tout.
Une fois de plus, je m’étais déconnectée de la réalité. Mais que ce soit les paysages, les personnes présentes et même cette histoire de guerre : rien de tout cela n’était réel et je le savais pertinemment alors, n’avais-je pas une bonne raison d’être déboussolée ?
J’aurais pu passer encore plusieurs minutes à réfléchir à ce sujet mais, alors que je levais les yeux au ciel, je perçu une aura nauséabonde dans l’air. Presque instinctivement, mon visage se ferma tandis que je faisais le lien entre tout ce qui venait d’arriver.
« Varsovie, marmonnais-je alors que mes poings se resserraient, épier est un mauvais passe-temps. »
Et ce fus sans surprise que je vis le paysage s’embrumer de plus en plus jusqu’à ce que je ne puisse même plus deviner la forme du volcan. Je comprenai désormais mieux la situation et poursuivis mon sermon
« Ta réputation n’est pas volée sorcière. Je dois reconnaître que tes illusions sont proches de la perfection : comme celle de ces fameux demi-dieux, c’en est troublant. Mais, continuais-je en fixant la paume de ma main, tu ne m’auras pas avec ce genre de farce… »
« Détrompe-toi jeune fille, je n’ai pas cherché à te piéger. Il est vrai qu’à une époque mes illusions dépassaient de loin celles de ces demi-dieux comme tu les appels mais contrairement à eux, je n’ai jamais été capable d’influencer leurs formes : elles ne reflètent que des événements à venir… »
Et à peine eu-t-elle finit son explication que je vis se reformer devant moi le décor de sa cabane : le chaudron dans lequel elle avait plongé les champignons, une table basse en piteux état trônant au milieu d’une montagne d’immondices amassées par la sorcière et, à ses côtés, un gros fauteuil en cuir d’où on pouvait voir s’échapper une énorme quantité de mousse. J’étais bel et bien de retour.
A mes pieds se trouvait une enfant évanouie en qui je reconnu immédiatement Nara, à nouveau sous sa forme humaine. La sorcière avait dû la retransformer durant ma « transe ». Je m’empressai de l’installer sur mon dos et me dirigeai vers l’entrée de la maison mais, avant que je ne puisse ouvrir la porte, la propriétaire des lieux m’interrogea.
« Tu ne comptes pas me questionner sur cette vision ? N’es-tu donc pas curieuse de savoir ce que le futur te réserve ?
Ma main se trouvait déjà sur la poignée de porte mais, je ne répondis pas immédiatement à sa question. Ce n’est qu’après plusieurs secondes que j'ai déclaré :
-Je ne pense pas que mon futur soit aussi intéressant que tu ne le prétends et, même s’il l’était, je n’utiliserais sûrement pas ta magie pour le connaître… » Conclus-je avant de finalement franchir le seuil de sa maison et de prendre le chemin qui me mènerais au village.
Malgré le poids de l’enfant sur mon dos, je regagnai assez rapidement le camp et pus enfin en finir avec cette mission. Dès qu’il me vit arriver avec la gamine sur le dos, le chef se hâta de venir récupérer la voleuse en herbe et, par la suite me couvris de remerciements. Cependant, une mission étant ce qu’elle est, je reçu une petite bourse comme récompense.
Il ne se passa rien de très spécial cette après-midi-là, mise à part l’annonce qu’avait fait passer Ulgorn où, il conviait tous les villageois ainsi que tous les voleurs à une grande fête. Elle était censée avoir lieu sur la place du village, dans la soirée. Je n’avais pas prévue d’y aller mais, Ulgorn avait tellement insisté sur le fait que je devais prendre part aux festivités que, je finis par accepter son invitation. C’est cependant avec une bonne heure de retard due à une fatigue accumulée que j’arrivais finalement sur la place. Je fus rapidement accueillie par quelques-uns de mes coéquipiers ainsi que par certains villageois, ceux-ci m’entraînèrent jusqu’à l’une des tables préparées pour l’occasion et m’invitèrent à m’asseoir et profiter du spectacle. Contrairement aux autres bandits, je ne buvais pas d’alcool, c’est pourquoi je me rabattis sur les plats, tous plus appétissant les uns que les autres. Enfin, les villageois avaient fait brûler un feu de joie autour duquel, tout le monde se mit à danser.
C’est lorsque l’ambiance atteint son paroxysme et que les enfants commencèrent à rentrer chez eux suivis de quelques femmes que l’on vînt me parler. Tout le long de la fête, on m’avait proposé de danser mais n’étant pas très à l’aise, j’ai décliné et, c’est ce que je m’apprêtais à refaire. M’ayant attrapée par l’épaule, je n’eus qu’à observer la main de l’homme pour deviner de qui il s’agissait ; le patron. Il me salua et, me demanda si je m’amusais bien. Lorsque je lui répondis que oui, il m’adressa un large sourire accompagné d’un de ses longs et graves rires qu’il ne sortait que lorsqu’il était fier de lui. Après m’avoir fait la conversation pendant quelques minutes, il me proposa d’aller faire un tour car il voulait me parler de quelque chose d’important.
Lorsque nous nous fûmes assez éloignés, Ulgorn qui se trouvait devant moi s’arrêta brusquement et se tourna pour me faire face.
« Je suppose que nous sommes assez loin maintenant ! déclara-t-il, toujours souriant.
- De quoi voulais-tu me parler ? » Demandais-je de but en blanc.
Le chef n’était pas une personne très sérieuse de nature, ni secrète d’ailleurs et, il ne se prenait jamais la tête, préférant foncer dans le tas ou exprimer, si ce n’est imposer, clairement et sans hésitation son opinion. Dans le cas contraire, c’était généralement quand cela le concernait ou le tracassait vraiment. A ma remarque, il poussa un profond soupir et commença à se frotter la tête nerveusement :
« Tu es vraiment directe Saki… Me dit-il d’un ton un peu plus bas que d’habitude. Tu es une fine observatrice alors je suppose que je ne t’apprendrais rien en te disant que quelque chose me tracasse … reprit-il, tout à fait sérieux.
-Tu t’es encore fait avoir au casino ? M’exclamais-je tout en insistant sur le ‘encore’.
-Ahah, j’aurais préféré que ce soit le cas ! Affirmait-il avant de marmonner un : Comment ça « encore » ?
-Et bien, je t’écoute : il s’est passé quelque chose ? »
Il décolla sa main de sa tête et la dirigea vers sa poche d’où il sortit une lettre, n’ayant apparemment jamais été ouverte. Il me la tendit en soufflant un ‘Tu n’as qu’à voir par toi-même’. Je m’apprêtais à saisir l’enveloppe mais, au moment où je l’effleurai du doigt, je sentis comme une hésitation de la part d’Ulgorn :
« Qu’y a-t-il ? » Lui demandais-je après avoir retiré ma main.
Lorsque mes yeux croisèrent les siens, je sentis comme un doute dans son regard. A ce moment, il poussa un nouveau soupir avant de ranger la lettre là où il l’avait prise :
« C’est impossible que je fasse ça après tout… » Murmura-t-il
Suite à ce geste, il eut comme un silence entre nous deux jusqu’à ce que, d’un geste du bras, j’attirai son attention vers l’un des arbres qui se trouvait à sa droite afin de prendre d’un geste vif l’enveloppe. Dès qu’il comprit le subterfuge, il se tourna à nouveau vers moi. Mais, quand il me vit avec le courrier entre les mains, au lieu d’être furieux comme il l’aurait été si on lui avait volé l’une de ses affaires, un sourire apaisé se dessina sur son visage et ses yeux récupérèrent cet éclat qu’ils avaient perdu au cours de notre conversation. Et, c’est sans même prévenir qu’il s’approcha de moi et me frotta les cheveux tout en riant aux éclats :
« Tu es l'as des as après tout ! S’exclama-t-il après avoir fini de rire
-Mais de quoi tu parles ? Et arrête de me frotter la tête comme ça ! » Grognais-je tout en caressant le haut de mon crâne, devenu douloureux après cette agression.
Peu après, Ulgorn m’appris que pendant l’une de ses missions, il avait rencontré, figé dans un cristal, un des légendaires Daeva, enchaîné. Celui-ci lui avait confié une lettre qu’il devait donner à une personne ‘spéciale’ sous peine de quoi, il serait puni. Le patron, voulant se débarrasser du papier le donna à l’une de nos voleuses mais, quand sa peau entra en contact avec la lettre, le corps de la femme s’embrasa et, malgré toute l’eau que l’on déversait sur elle, les flammes qui l’entourait ne disparurent qu’une fois son corps réduit en cendres. Prenant conscience de l’avertissement du prisonnier, le chef la confia cette fois-ci à l’un des villageois, celui-ci ne brûla pas mais reçu une décharge égale à celle d’un éclair, il ne survécu pas au choc et mourut sur le coup. Le chef l’aurait ensuite donné à l’une des personnes les plus méritantes qu’il connaissait : l’un des trois généraux du groupe…. Ces deux-là étaient comme des frères, c’était sans doute la seconde personne en qui il avait le plus confiance….Contrairement aux autres, le voleur ne connut aucun accident suite à la réception du courrier, enfin, pas directement. Croyant qu’il avait trouvé la bonne personne, Ulgorn avait baissé sa garde mais, le lendemain, lorsqu’il alla à la rencontre du général, en entrant dans sa tente, il ne découvrit que la lettre maudite et à ses côtés, un petit mot écrit à la vas-vite sur un morceau de papier déchiré. Pour cette partie de l’histoire, Ulgorn me donna le petit mot qu’il avait précieusement conservé. Ce fut au cours de ma lecture que je fus le plus surprise et, voici ce qu’elle racontait mot pour mot :
« Aion ne pardonne pas aux pécheurs :
Savais-tu, Humain, que Lord Jikel punit par les flammes éternelles celui ayant fait couler le sang inutilement, qu’il soit employé par un autre ou non ?
Savais-tu, Humain, que Dame Triniel proscrit les sacrifices d’enfants et le dérèglement du flux d’ether ; tous deux punis par la foudre de Lord Lumiel ?
Savais-tu, Humain, que le Pandemonium entier condamne le meurtrier d’un Daeva à errer jusqu’à sa mort au plus profond des Abysses?
Saurais-tu me dire, Humain, ce qu’il arriverait à ton peuple si tu échouais une nouvelle fois ? Quels genres de supplices les attendent si leur représentant s’obstine à cacher à nos Seigneurs l’un de leurs frères ?
Nous serons patients et t’accordons une dernière chance d’exécuter la volonté divine : trouve cet être spécial et remet lui notre message »
Je déglutis.
«Qu’est-ce que c’est que cette histoire de châtiments et, de dernière chance ?
-Aucune idée et je ne préfère pas le savoir…Dans tous les cas, je suis plutôt rassuré que la disparition de Nara et cette lettre ne soit pas liés.
Après cela, le chef me tapota l’épaule et repartis à sa place, m’incitant à lire cette fameuse lettre afin de découvrir ce qu’il en retournait. Mais, je n’en fis rien, préférant moi aussi rejoindre les autres. Après tout, j’avais tout mon temps….
A mon arrivée, je m’aperçus que la fête venait sans doute de s’achever. Les dernières personnes sobres rentraient chez elles alors que celles étant trop ivres pour bouger décidèrent de dormir à la belle étoile. Tout le village empestait l’alcool, et ma maison ne faisait pas exception. Je ne pouvais pas dormir dans ces conditions, c’est pourquoi je quittai une fois de plus le village pour me diriger cette fois-ci vers l’étang qui se trouvait au nord de celui-ci. Il s’agissait d’un immense lac où un arbre tout aussi imposant se trouvait. Il trônait au centre de l‘étendue d’eau et, en conséquences à sa hauteur, il possédait d'innombrables feuilles mais, pas n’importe lesquelles : elles possédaient toutes une légère teinte arc-en-ciel et étaient connu pour leur vertu apaisante. Enfin, la source était habitée par des tritons doré pondant chaque nuit des dizaines d’œufs, qui, lorsqu’ils entraient en contact avec la lumière émis par le reflet des feuilles, laissaient sortir d’adorables bourgeons dorés…
J’aimais beaucoup cet endroit, c’était un lieu très reposant où je pouvais fuir mes responsabilités et oublier toutes ces choses si déplaisantes qu’un voleur devait endurer à longueur de journée.
Je m’installai comme à mon habitude sur l’une des gigantesque branches de l’arbre et me mis à réfléchir. Je n’avais rien à faire et je ne pouvais pas m’endormir donc, le moment me semblait être bien choisi pour lire cette fameuse lettre. J’allais commencer ma lecture mais, une boule de poil blanche vînt se poser devant moi, m’interdisant de poursuivre ma lecture.
« Qu’est-ce que tu veux Kyû ? Le questionnais-je. On jouera ensemble plus tard-… »
Cependant, le renard de feu ne semblait pas enclin à m’écouter et commença à mordiller le papier. Je lui fis aussitôt signe d’arrêter mais, le familier n’obéis pas et s’acharna de plus en plus dessus, ce qui, au bout d’un moment déchira la lettre. Je n’eus pas le temps de lui demander de me rendre la partie arrachée que, le renard avait déjà disparu dans un nuage de fumée. C’était l’une des nombreuses capacités que possédaient les familiers : lorsqu’ils n’étaient pas invoqué par leur maître, ils se promenaient la plupart du temps entre leur monde et le nôtre. Pourtant, Kyû ne le faisait que rarement, préférant vagabonder tout en restant le plus proche de moi. Pour qu’il le fasse de son plein gré, c’était sans doute très grave mais, il n’avait pris avec lui qu’un petit bout de la lettre, je pensai donc pouvoir comprendre le sens du texte même ainsi:
« A vous, enfant du monde souterrain…
Probablement qu’une telle nouvelle devrait être annoncée de vive voix mais les circonstances ne nous le permettront pas pour le moment.
Si le sceau aposé à cette lettre vous a permis de lire ces mots, c’est qu’un nouvel initié est né. Ainsi, en tant que recruteur, je me chargerais d’évaluer la valeur de votre ether et de vous mener au Promontoire.
Tout comme je ne connais ni votre nom ni la puissance de votre âme, je ne peux me présenter à vous pour le moment. Néanmoins, et en tant que votre guide, je me dois d’éclaircir les raisons m’ayant poussé à utiliser un tel procédé afin de vous atteindre…
Sûrement que vous l’aurez entendu de mon messager mais, je suis actuellement prisonnier d’un cristal ; enchaîné corps et âme à cette prison pour expier mes crimes. Contraint d’attendre le pardon des Seigneurs Shedim pour l’éternité, moi, le Daeva déchu ai reçu la mission de veiller sur les Humains portant en eux un ether supérieur, et de les guider jusqu’à la Citée des Daeva : le Pandemonium. Chargé de surveiller ce monde et d’effacer les anomalies l’ayant corrompu, j’accomplis mon devoir depuis tant d’années déjà...Néanmoins, il y a dix-sept ans de cela, j’ai été confronté au plus grand danger qu’il m’ait été donné de rencontrer durant mon isolement. Un corps étranger s’est introduit sur les terres au sud de ma prison. Sa simple apparition ébranla la nature tandis que l’onde de son éther se propageait à une vitesse impressionnante, jusqu’à complètement dominer le mien. Cependant, le corps semblait gravement blessé et sa présence devînt rapidement imperceptible, me laissant croire à sa mort. Pourtant, j’ai récemment réussi à le percevoir de nouveau. Sa puissance semble avoir considérablement baissé mais ses déplacements laissent penser qu’il est désormais guéri.
Au même moment, ma médiation a été troublé par l’intrusion d’un homme sur mon domaine, celui même qui m’a jusqu’à ce jour servis de messager et que tu dois connaître sous le nom d’Ulgorn.
J’ai bon nombre de raisons de croire que la réapparition de cette créature ne soit pas une coïncidence et, le fait que ton ascension approche ne fait qu’accentuer mes doutes. J’ai cependant le devoir d’exécuter la volonté des Seigneurs en t’accompagnant ces prochains jours.
Ton aide, plus que celle de certaines de mes recrus, pourrait être utile aux Daeva. C’est pourquoi j’aimerais que tu récolte l’avis de mes anciens frères d’armes avant de me rejoindre.
La plus proche devrait être la sorcière Varsovie. Elle vit seule dans la forêt et déteste les Humains mais je lui accorde toute ma confiance et ne connais pas de meilleure voyante. Après l’avoir rencontré, rend toi au croisé d’Anturion ; tu y trouveras un certain Vilnis ainsi que sa compagne Ténius. Nous sommes des amis de longue date et je ne doute pas de leur jugement ; de plus, ils étaient aussi présents lors de l’incident.
Une fois que tu les auras tous mis au courent de la situation, rejoins moi dans la forêt maudite d’où j’observerais ton voyage
Que l’ombre d’Asphel te protège durant ton périple. »
Je me rendis rapidement compte que la partie emportée par mon familier constituait la signature et le nom de l’expéditeur de la lettre.
Mais, cela ne me dérangeai pas plus que ça. Le rictus qui s’était alors formé sur mon visage était plutôt dû à mon incompréhension.
« Mon … ascension ?»
L’ascension, ou, une cérémonie sacrée que pratiquent les Hommes avant de s’élever au rang de Daeva… Elle est réservée aux êtres les plus dignes et les plus purs : il est même dit que quiconque interromprait cette cérémonie serait tué sur le coup.
« Quelle plaisanterie, murmurais-je, le patron a vraiment du temps à perdre. Et cet homme, poursuivais-je en fixant la lettre d’un regard méprisant, pensait vraiment que j’allais suivre bêtement ses ordres ? »
Mais, alors que je m’apprêter à déchirer la feuille, je sentis comme une légère brise me caresser le visage. Kyû était revenu et, allongé sur mes jambes, il avait l’air plutôt fier de s’être débarrassé des « déchets ».
« Te revoilà, toi. »
Je n’eus pas le temps d’en dire plus que celui-ci s’était déjà allongé sur mon ventre et ronronnait de plus belle. C’est cette technique qui lui avait évité plusieurs punitions et, cette fois-ci ne faisait pas exception. C’est sans m’en rendre compte que je m’étais mise à lui caresser le dos.
« Ah, tu sais vraiment comment te faire pardonner…»
Ce renard, du plus loin que je me souvienne, avait toujours été à mes côtés et avait toujours veillé sur moi… C’était un familier particulièrement calme mais ces jours-ci, il semblait inquiet et ne me lâchait pas d’une semelle…
Mais, alors que je me posais des questions sur cette soudaine anxiété, le concerné trouva bon de pousser un grognement en direction du ciel et d’ensuite me tirer le bras, m’ordonnant de quitter les lieux le plus rapidement possible. Malheureusement pour lui, je n’avais pas envie de me déplacer et, malgré tous ses efforts, sa puissance sous sa forme passive n’était pas suffisante pour me faire faire bouger. Et, c’est finalement d’une simple pichenette sur la tête que je l’éjectai de la branche. Un petit détail attira pourtant mon attention. Après sa chute, je n’entendis pas le moindre cri venant du familier, aucun grognement, ni même de bruit dû à sa chute. Intriguée, je me penchai légèrement pour voir si il était bien là mais, j’avais beau examiner l’endroit, je ne trouvais pas le renard. Même après avoir balayé du regard tout l’étang il restait introuvable et, il ne s’écoula que quelques secondes avant que je ne commence à l’appeler. Hélas, là encore, je n’obtins aucune réponse.
Je décidai donc de quitter la branche, où j’étais perchée depuis un moment déjà, et de regagner le village, pensant que mon familier s’y trouverait aussi. Mais, alors que je m’apprêtais à sauter, je sentis que quelque chose venait de s’agripper à mon bras et m’avait ramené vers elle. Je me mis automatiquement à me débattre mais, sa force était bien supérieure à la mienne et, je compris vite que se débattre était inutile, la seule chose à faire dans ce genre de situation étant de crier. Mais là encore, on m’en empêcha : une main venait de se poser sur ma bouche et retenait ma voix. Je cessai donc de gesticuler et commençais à réfléchir. Après tout, il ne fallait pas s’inquiéter, le village était assez proche et, si l’individu ne me relâchait pas, je pourrais toujours lui mordre la main ou profiter d’un moment d’inattention pour le mettre à terre.
-Faisons comme ça…- Songeais-je après m’être calmée
Cependant, une voix vînt me tirer de mes pensées, apparemment celle d’un homme.
« Tu es calmée… ? Constata-t-il tout en écartant sa main de mon visage
-Et à qui ais-je l’honneur ? Le questionnais-je d’un ton dédaigneux et, après avoir repris mon souffle
-J’ai besoin que tu me rendes un service...Me demanda-t-il à son tour, ne prêtant pas attention à ma question.
-J’ai connu mieux comme approche pour demander un simple service. Dans tous les cas, j’ai aucune raison de t’aider : passes ton chemin !
-Et je ne voudrais pas utiliser quelque chose qui t’es cher comme monnaie d’échange »
Existait-il en ce bas monde une chose à laquelle je tenais autant : tels étaient mes pensées à ce moment-là. Les liens que j’avais tissé avec les voleurs et les villageois, mon vieux grimoire, une info en or ; vraiment, je ne voyais pas de quoi il parlait : il n’y avait rien à mes yeux de si important. Mais, après avoir repensé à ce qui venait de se passer, je compris où il voulait en venir.
« Toi, m’exclamais-je d’un ton menaçant, qu’as-tu fais à mon familier ? »
Bien sûr, c’était évident ! La seule chose dont je ne m’étais jamais séparé, ça ne pouvait être que lui. Du plus loin que je m’en souvienne, c’était bien la seule chose qui m’avais toujours suivis, tenant le rôle de ma ‘famille’.
Mais, avant que je ne puisse lui poser une nouvelle question sur ce qu’il avait fait de Kyû, la main qui me tenait le bras se dégagea à son tour et, lorsqu’elle revînt dans mon champ de vision, elle agrippait cette fois au niveau du cou l’incarnation de toute mon inquiétude, le petit renard blanc. Je m’empressai de le lui arracher, mes deux main étant de nouveau libre, et je me tournais vers l’homme.
A ma grande surprise, il s’agissait non pas d’un vieux gars dépérit mais d’un garçon un peu plus âgé que moi. Il possédait de magnifiques cheveux, d’un sombre turquoise, et des yeux de la même couleur. Ses habits étaient assez décontractés et il portait une sorte de turban autours de la tête. Je ne m’intéressais pas vraiment au physique des gens, étant habituée à côtoyer des hommes borgnes, blessés ou tout simplement obèses mais là, je fus légèrement surprise : il était plutôt beau mais, je n’avais clairement pas le temps de m’attarder sur ce genre de détails.
« Je ne lui ai rien fais…
-Étrangement, j’ai du mal à croire les gens suspects comme toi. Tu viens de m’attaqu-… »
Le garçon ne me laissa pas finir. Il m’avait fait signe de me taire et semblait écouter ce qui se passait au sol. En y regardant de plus près, j’aperçus plusieurs soldats qui avaient l’air de rechercher quelqu’un.
« Mais où est-il passé ? Où ? Se lamentait l’un d’entre eux
-Chef, depuis que nous sommes à son service, j’ai l’impression qu’on passe nos journées à le suivre jusqu’ici ! Se plaignait un autre
-Oui ! Il a raison chef, affirma un troisième, et si nous ne le retrouvons pas, les supérieurs vont nous passer un savon...
-Ah, ça tu peux en être sûr ! Et je ne veux même pas savoir ce qu’il adviendra si notre seigneur l’apprend…
-Du calme vous tous ! S’exclama le ‘chef’
- Mais chef, êtes-vous sûr qu’il est ici ? Reprit le premier garde
-Oh oui, et nous allons le retrouver ; soyez en sûr ! »
Impossible, impensable… Je trouvais déjà louche que des gardes traînent ici puisse que d’habitude, ils veillent uniquement sur les grandes villes mais, ce qui m’intriguais le plus était l’évocation d’un Seigneur. Sur Asmodée, ce titre était considéré comme sacré et seul cinq personne avait été autorisés à le porter : les cinq seigneurs Shedim.
Mais cela restait très peu plausible, que ferais l’un des représentants d’Aion sur nos terres ? Et, qui pourrait être assez proche de lui pour que l’on envoie des gardes à sa recherche ?
« Je ne pensais pas qu’ils seraient si rapide… Murmura le jeune homme avec une légère pointe d’agacement
Je ne savais plus quoi penser : en disant cela, affirmait-il être leur cible ? Je ne tentais même pas de répondre à cette question ; mes pensées étant toutes centrées sur un moyen de fuir.
-Ne me dîtes pas qu’il s’en est pris à l’un des Shedim…Pensais-je alors que la panique prenait le dessus sur ma raison. Je vais avoir des problèmes si je reste avec ce mec plus longtemps !-
Cette fois-ci, c’était décidé, je devais m’échapper dès qu’il détournerait le regard. Cependant, et à mon grand désespoir, il n’en fit rien… Au contraire, sa concentration ne semblait que s’accroître au fil des minutes. Enfin, il se rapprocha de moi et passa lentement sa main derrière mon dos avant de m’adresser des excuses dont je ne compris pas immédiatement la nécessité.
« Essaie de ne pas crier…
Pas le temps de protester ; il m’avait déjà soulevée et, me portant « comme une princesse », il refusait désormais de me lâcher.
-Hein ? Qu-qu’est ce que, bégayais-je de surprise, fais-moi descendre tout de suite! Hey, tu m’entends : Lâche-moi !
-Tu devrais éviter d’attirer leur attention, me conseillait-il en désignant du regard le sol, les soldats et les voleurs ne s’entendent pas la plupart du temps.
-Voleurs ? Répétais-je d’un ton méfiant. Je peux savoir où tu as appris ça ?
-L’intuition, affirmait-il après un temps de réflexion mais toujours comme s’il s’agissait d’une évidence, sans doute… Pour le moment, tu devrais t’accrocher à quelque chose si tu ne veux pas te blesser. »
Je ne compris pas le sens de son conseil, enfin, jusqu’à ce que, je sentis cette sensation de chute. Cet idiot s’était jeté dans le vide mais, son expression était toujours aussi calme et décontractée. Contrairement à moi qui, après avoir compris que nous tombions, pris une grande inspiration dans le but d’hurler aussi fort que ma voix me l’aurait permis. Mais je n’eus pas à m’en donner la peine lorsque je remarquais enfin que nous flottions, ou plutôt, nous volions.
Nous étions à plusieurs mètres du sol, je ne pouvais pas y croire. Et c’est d’un air ahuri que je fixais la zone que nous survolions puis, le garçon qui me tenait toujours dans ses bras. Mais, c’est en voyant ses gigantesques ailes noires qui semblaient être sortis de son dos que, je commençai à réellement m’interroger sur l’identité de cet homme.
- C’est qui ce gars sérieusement? –
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Bonjour,
Voilà le nouveau chapitre, ça y est un gros pavé !
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Bonne lecture !
Tags : Prisonnier, Aion, Saki, Kyu, fantasy
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